Activité partielle
Demande d’activité partielle
Quels sont les documents et informations demandés à l’employeur lors de la demande d’activité partielle en ligne ?
1. Pour pouvoir recourir à l’activité partielle, l’employeur doit faire une demande préalable auprès de l’unité départementale de la Direccte. Cette demande est effectuée en ligne via un portail internet sécurisé et confidentiel (https://activitepartielle.emploi.gouv.fr). La demande doit préciser les motifs justifiant le recours à l’activité partielle, la période prévisible de sous-activité et le nombre de salariés concernés. Pour les entreprises ayant déjà recouru à l’activité partielle dans les 36 mois précédents, la demande doit également contenir des engagements spécifiques que l’employeur propose de souscrire (C. trav. art. R 5122-2). Doivent être jointes à cette demande les coordonnées bancaires de l’employeur.
À noter : Une notice technique DGEFP « Activité partielle et coronavirus » du 17 mars 2020 apporte les précisions pratiques suivantes : l’employeur coche le motif « autres circonstances exceptionnelles » et mentionne en circonstance « coronavirus ». Il doit indiquer précisément les effets de l’épidémie de Covid-19 sur l’activité de son entreprise, notamment l’ampleur de ses difficultés et son impact sur l’emploi (arrêt complet pour l’ensemble du personnel, pour une partie des activités). L’employeur doit cocher « suspension d’activité » si les salariés en activité partielle ne travaillent plus ou « réduction d’activité » s’ils peuvent travailler sur la période considérée.
S’agissant du début d’activité, celle-ci doit correspondre au premier jour d’arrêt d’activité des salariés, y compris si celui-ci est antérieur à la demande d’autorisation, dans la limite de 30 jours (voir ci-après). Si la durée d’arrêt d’activité des salariés n’est pas prévisible, l’employeur peut faire une demande jusqu’au 30 juin 2020. En cas de reprise préalable, il lui suffira d’en informer la Direccte pour interrompre la prise en charge.
2. En principe, la demande est accompagnée de l’avis préalablement rendu par le CSE. Mais le décret 2020-325 du 25 mars 2020 (JO 26) prévoit que, par dérogation, lorsque la demande d’activité partielle est motivée par une circonstance de caractère exceptionnel, comme c’est le cas du coronavirus, l’avis du CSE peut être recueilli postérieurement et transmis dans un délai d’au plus 2 mois à compter de la demande. En résumé, pour une demande transmise le 20 mars 2020, l’employeur devra envoyer l’avis rendu par le CSE au plus tard le 20 mai. On précisera qu’il s’agit d’un avis consultatif qui ne lie pas l’employeur.
Champ d’application
Un mandataire social cumulant son mandat avec un contrat de travail a-t-il droit à l’activité partielle ?
3. Le bénéfice de l’activité partielle est exclu pour les gérants de société et les mandataires sociaux du fait de l’incompatibilité de la réglementation applicable à leur situation. Cela étant, en cas de cumul d’un mandat social avec un contrat de travail, les activités exercées dans le cadre du salariat ouvrent droit au bénéfice du dispositif.
Le VRP exclusif peut-il bénéficier de l’activité partielle totale dès lors qu’il n’est pas soumis à la réglementation de la durée du travail ?
4. Oui, à titre exceptionnel et au plus tard jusqu’au 31-12-2020, les VRP, salariés non soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail pourront bénéficier du dispositif. Les modalités de calcul de leur indemnité et de l’allocation d’activité partielle seront déterminées par décret à paraitre très prochainement (Ord. 2020-346 du 27-3-2020, art. 8).
Un organisme n’ayant pas de chiffre d’affaires, mais des frais de gestion dont le paiement est garanti par l’État (type Opco), soumis au droit du travail et dont les salariés sont de droit privé, peut-il recourir à l’activité partielle ? Quid des offices HLM adhérents à Pôle emploi pour les salariés de droit privé comme pour les salariés de droit public ?
5. Selon l’administration, pour bénéficier de l’activité partielle, un établissement doit être soumis au Code du travail (notamment à la législation sur la durée du temps de travail) et entretenir avec les salariés pour lesquels il sollicite le bénéfice de l’activité partielle des relations contractuelles soumises aux dispositions du Code du travail (Doc. technique DGEFP août 2013, fiche n° 2.2). Il devrait donc être possible pour les organismes susvisés de bénéficier de l’activité partielle pour les salariés de droit privé.
En l’absence de visite de reprise (absence maladie de + 30 jours), le salarié peut-il bénéficier de l’activité partielle ?
6. Les services de santé au travail effectuent en priorité les visites d’aptitude et les visites de reprise, si possible par téléconsultation en accord avec le salarié. Si la visite doit être tenue physiquement, l’entreprise est informée des précautions à prendre et le salarié doit être informé qu’il ne sera pas reçu s’il présente des symptômes à son arrivée (Inst. min. 17-3-2020).
Si la visite ne peut pas être réalisée, soit parce que le service de santé est fermé, soit parce que le salarié ne peut pas s’y rendre, le contrat de travail reste en principe suspendu.
Deux cas de figure peuvent se présenter : soit le salarié est dans l’incapacité de reprendre le travail et son arrêt de travail est prolongé et les règles exposées au [n° 9] s’appliquent, soit le salarié est en capacité de reprendre le travail et se manifeste auprès de l’employeur, qui dispose en théorie de 8 jours à compter de la reprise pour organiser la visite médicale de reprise.
7. L’employeur qui n’organise pas la visite médicale dans le délai prévu par le Code du travail commet en principe une faute. Mais la jurisprudence admet qu’il n’y a pas manquement lorsque l’employeur justifie « avoir pris l’initiative de faire passer la visite dans ce délai » (voir en ce sens Cass. soc. 6-10-2010 n° 09-66.140 F-PB : [RJS 12/10 n° 921]) ou prouve que le retard dans l’organisation de la visite ne résulte pas d’une faute de sa part (par exemple : Cass. soc. 21-9-2011 n° 10-16.153 F-D : [RJS 12/11 n° 963]). Il est donc impératif de saisir le service de santé au travail pour organiser la visite de reprise, mais si celle-ci est impossible en raison de l’état d’urgence sanitaire, l’employeur pourra justifier un retard par ce motif. La visite devra néanmoins être réalisée dès que la situation reviendra à la normale. Dans cette attente, selon nous, si le salarié appartient à un service dont le fonctionnement est affecté par la crise sanitaire, il devrait pouvoir bénéficier de l’activité partielle au même titre que ses collègues.
À notre avis : Et si l’entreprise n’a pas mis en place l’activité partielle, ou a seulement mis en place une réduction d’activité et non une fermeture totale ? Le fait de faire travailler le salarié sans lui faire passer la visite de reprise pendant la durée de la crise pourrait mettre en danger sa santé. On conseillera à l’employeur, dans cette situation, de suspendre le contrat de travail avec maintien de la rémunération du salarié.
Période d’activité partielle
La suspension du contrat de travail pour activité partielle prolonge-t-elle la période d’essai ?
8. Tout salarié titulaire d’un contrat de travail peut bénéficier de l’activité partielle (Doc. technique DGEFP août 2013, fiche n° 2.3), y compris le salarié en période d’essai.
La période d’essai ayant pour but de permettre l’appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée si le contrat de travail est suspendu. Cette règle est appliquée par la jurisprudence en cas de maladie, de congés payés ou de prise de jours de récupération du temps de travail (notamment : Cass. 1e civ. 4-1-1995 n° 93-13.614 P : [RJS 2/95 n° 105] ; Cass. soc. 11-9-2019 n° 17-21.976 FP-PB : [RJS 11/19 n° 613]).
En pratique, si l’entreprise ou l’établissement est totalement fermé, la période d’essai est suspendue et reprendra son cours au moment de la réouverture. Si l’activité partielle prend la forme d’une réduction du temps de travail, la période d’essai est prolongée à due proportion : par exemple, en cas d’activité partielle 2 jours par semaine pendant 8 semaines, le salarié travaillera 16 jours de plus à l’essai.
À noter : L’état de crise sanitaire ne peut en aucun cas justifier une rupture de la période d’essai. En effet, l’essai a pour but de tester les capacités professionnelles du salarié. Il ne peut donc être rompu que pour un motif lié aux aptitudes de l’intéressé : en aucun cas la rupture ne peut être décidée pour une autre cause (Cass. soc. 10-4-2013 n° 11-24.794 F-D).
Comment traiter le cas d’un salarié en arrêt maladie au cours d’une période d’activité partielle ?
9. Un arrêt de travail pour maladie constitue une cause de suspension du contrat de travail pendant laquelle le salarié est dispensé d’activité. Durant cette période, le salarié bénéficie, sous certaines conditions, d’indemnités journalières de la sécurité sociale et d’un complément de salaire versé par l’employeur lui assurant tout ou partie de sa rémunération antérieure, en vertu du Code du travail, des dispositions plus favorables de la convention collective ou des usages.
Si le salarié tombe malade et se retrouve en arrêt de travail au cours d’une période d’activité partielle, il ne peut pas prétendre au cumul des indemnités journalières versées par la sécurité sociale et des indemnités d’activité partielle. Il ne peut bénéficier que du versement des premières (Circ. DGEFP 12 du 12-7-2013, Annexe 1).
Les règles légales ou conventionnelles de maintien de salaire s’appliquent, mais elles ne peuvent pas permettre au salarié malade de percevoir plus que s’il avait été valide : par conséquent, l’intéressé ne peut pas bénéficier d’une rémunération supérieure à celle qu’il aurait perçue s’il avait été placé en activité partielle (Cass. soc. 2-7-1987 n° 83-43.626 P). Ainsi, en pratique, si l’employeur verse un complément de salaire au malade, celui-ci doit être calculé de façon à porter la rémunération du salarié à hauteur de l’indemnité d’activité partielle qu’il aurait perçue s’il avait été en activité.
10. Ces règles sont aussi applicables, selon nous, au salarié qui est en arrêt de travail avant le début de la période d’activité partielle et qui demeure en arrêt maladie durant cette période du fait de la prolongation de son arrêt de travail.
De même, si un salarié est en arrêt de travail pour garde d’enfant et que son employeur fait une demande d’activité partielle quelques jours après, c’est la première cause de suspension du contrat de travail qui continue à s’appliquer à lui. Le salarié est considéré être en arrêt de travail et la question de l’activité partielle ne se posera pour lui, le cas échéant, qu’à l’issue de cet arrêt.
Signalons enfin que les mêmes principes s’appliquent si le salarié est en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle ou est en congé de maternité ou de paternité.
Les congés payés qui avaient été posés par des salariés peuvent-ils être reportés ?
11. Le salarié ne peut pas exiger le report des congés payés déjà posés. Ces derniers doivent donc être pris, y compris s’ils coïncident avec la période de confinement et/ou une période d’activité partielle dans l’entreprise. Dans ce dernier cas, le salarié bénéficie, pendant la durée des congés prévue, d’une indemnité de congés payés, dont le montant est plus favorable que l’indemnité d’activité partielle, puisqu’elle doit être calculée, dans les conditions de droit commun, selon la règle du dixième ou du maintien du salaire normal.
À noter : Les périodes d’activité partielle sont prises en compte pour le calcul de l’acquisition des droits à congés payés (C. trav. art. R 5122-11, al. 2). La jurisprudence européenne précise que la réglementation nationale ne peut pas prévoir le calcul de l’indemnité de congés payés sur la base de la rémunération réduite liée à l’activité partielle (CJUE 13-12-2018 aff. 385/17 : [RJS 4/19 n° 266]).
12. Seul l’employeur peut modifier les congés payés des salariés en respectant les délais prévus par accord collectif d’entreprise ou d’établissement. À défaut d’accord, le délai pour modifier les dates de congés est d’un mois, sauf circonstances exceptionnelles (C. trav. art. L 3141-16). Sous réserve de l’avis des tribunaux, on peut penser que la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus peut permettre à l’employeur de modifier les dates de congés sans respecter le délai d’un mois ; les questions/réponses publiées par le ministère du travail ont rappelé cette faculté (QR min. trav. 28-2-2020 n° 13 et vers. 20-3-2020 n° 14). La modification ne doit toutefois pas intervenir trop tardivement, car, dans le cas contraire, la prise par le salarié de son congé aux dates prévues ne pourra lui être reprochée.
Toutefois, l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos prise en application de la loi d’urgence 2020-290 du 23 mars 2020 permettra qu’un accord d’entreprise ou à défaut un accord de branche autorise l’employeur à différer les dates de congés payés déjà posées dans la limite de 6 jours ouvrables et à condition de respecter un délai de prévenance d’un jour franc.
Que deviennent les congés payés acquis non pris au 31 mai ?
13. En principe, le salarié qui n’a pas pris ses congés acquis perd son droit et ne peut réclamer aucune indemnité compensatrice à ce titre, sauf s’il s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés du fait de l’employeur. En effet, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. L’employeur doit ainsi informer les salariés de la période de prise des congés et communiquer l’ordre des départs en congés à chaque salarié ; s’il a bien accompli ses obligations d’information, les congés non pris par les salariés seront perdus, sauf accord plus favorable prévoyant leur report (Cass. soc. 13-6-2012 n° 11-10.929 FS-PBR : [RJS 8-9/12 n° 718] ; Cass. soc. 9-5-2019 n° 17-27.448 FS-PB : [RJS 7/19 n° 430]).
Les congés payés peuvent-ils être imposés pendant la période d’activité partielle ?
14. Les congés payés relèvent du pouvoir de direction de l’employeur. Ils sont donc fixés par ce dernier selon une procédure de mise en place qui est longue. En clair, les conditions de fixation des congés payés ne lui permettent pas d’imposer aux salariés la prise de ces congés d’ici le mois à venir.
Cependant, l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos permettra de déroger par accord collectif aux modalités de fixation des congés, y compris d’ordre public, et donc d’imposer la prise de 6 jours ouvrables de congés.
À noter : Cette même ordonnance prévoit des règles plus souples pour l’employeur en matière de jours de réduction du temps de travail et de jours de repos affectés sur le CET. Ces derniers pourront être imposés unilatéralement par l’employeur dans la limite de 10 jours.
15. On rappelle qu’employeurs et salariés peuvent également s’accorder sur la prise de congés payés préalablement au recours à l’activité partielle. On notera que l’indemnisation des congés payés est plus favorable que celle de l’activité partielle puisqu’elle doit être calculée, dans les conditions de droit commun, selon la règle du dixième ou du maintien du salaire normal.
L’ordonnance précitée permet, toujours dans la limite globale de 6 jours de congés et sous réserve d’un accord collectif en ce sens, d’imposer au salarié la prise anticipée des congés payés acquis, c’est-à-dire avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris ; rappelons que la jurisprudence dénie cette faculté à l’employeur, même pour tenter de limiter le recours à l’activité partielle (Cass. soc. 19-6-1996 n° 93-46.549 D, Sté Vetsout c/ B.?: RJS 8-9/96 n° 934). Les salariés peuvent toutefois accepter de prendre leurs congés payés par anticipation.
Quel est l’impact de l’activité partielle sur le déroulement d’un préavis ?
16. Le préavis en cas de démission n’est pas prévu par la loi, mais peut l’être par des conventions collectives. Il faut donc consulter la convention applicable, certaines d’entre elles pouvant prévoir que le préavis ne sera pas exigé du salarié en cas d’activité partielle.
S’agissant de l’incidence de l’activité partielle au cours du préavis de licenciement, en l’absence de dispositions spécifiques, le recours de l’entreprise à l’activité partielle n’a pas d’incidence sur le point de départ du préavis, qui reste la notification du licenciement, ni sur sa durée, une réduction du préavis en cas de licenciement ne pouvant être décidée par l’employeur sans l’accord du salarié.
17. S’agissant des sommes dues au salarié en cas d’activité partielle au cours du préavis, la loi prévoit qu’en cas d’inexécution totale ou partielle du préavis résultant soit de la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement, soit de la réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué dans l’établissement en deçà de la durée légale de travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis est calculé sur la base de la durée légale ou conventionnelle de travail applicable à l’entreprise, lorsque le salarié travaillait à temps plein, ou de la durée du travail fixée dans son contrat de travail lorsqu’il travaillait à temps partiel (C. trav. art. L 1234-6). La jurisprudence semble appliquer cette règle aussi bien lorsque, au moment du recours à l’activité partielle, le préavis n’est pas exécuté par exemple du fait d’une dispense par l’employeur et donne lieu au versement d’une indemnité compensatrice, que lorsqu’il est exécuté par le salarié (Cass. soc. 26-11-1997 n° 95-40.993 D : [RJS 3/98 n° 349]). Ainsi, l’activité partielle n’a d’impact ni sur le montant de l’indemnité compensatrice du préavis ni sur le salaire dû pendant le préavis en cours d’exécution.
18. Qu’en est-il de l’incidence des périodes d’activité partielle sur l’ancienneté du salarié à prendre en compte pour déterminer le droit au préavis et sa durée ? L’article L 5122-1 du Code du travail indique que le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité. Or, les périodes de suspension du contrat de travail prévues notamment par la loi n’interrompent pas l’ancienneté du salarié, mais n’entrent pas non plus en compte dans sa durée (C. trav. art. L 1234-8). Aucun texte ne prévoit une prise en compte spécifique des périodes d’activité partielle pour le calcul de l’ancienneté requise pour le droit au préavis et sa durée. Les jours de suspension du contrat au titre de l’activité partielle devraient alors, sauf stipulation conventionnelle plus favorable, ne pas être pris en compte pour la détermination du droit au préavis et de sa durée.
Indemnisation des salariés
Quel est le régime social de la part de l’indemnité versée au salarié par l’employeur en cas d’activité partielle, dépassant son obligation légale (70 %) ?
19. Selon l’administration, en cas de majoration de l’indemnité d’activité partielle dans le cadre d’un accord de branche, d’entreprise ou d’une décision unilatérale d’entreprise, le régime social de l’indemnité reste applicable (Doc. technique DGEFP juillet 2015, fiche 6, point 6.3). En clair, selon cette instruction, l’éventuelle majoration de l’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur (ex. : taux de 80 ou 100 % au lieu de 70 %) suivrait le régime social de l’indemnité d’activité partielle (sur ce régime, voir [n° 20]).
De même, selon l’article 11 ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020, le nouveau régime applicable à la CSG (voir n° 20) s’applique également à l’indemnité complémentaire versée par l’employeur.
À noter : On peut penser que la règle d’alignement de l’indemnité complémentaire sur l’indemnité légale prévue par l’ordonnance, certes limitée à la CSG, sera appliquée par les Urssaf. Jusqu’à présent, certaines Urssaf se montraient réticentes à appliquer le même régime à ces deux indemnités.
Est-ce qu’une déduction forfaitaire spécifique peut s’appliquer sur les indemnités d’activité partielle ?
20. Les indemnités d’activité partielle échappant aux cotisations de sécurité sociale, la question de l’application d’une déduction forfaitaire spécifique (DFS) pour frais professionnels ne se pose pas (sous réserve du cas de l’Alsace-Moselle, voir ci-dessous).
Ces indemnités sont en revanche soumises à CSG et CRDS, respectivement aux taux de 6,2 % et 0,5 % après application de la déduction pour frais professionnels propre à ces contributions. Afin de simplifier le régime de la CSG, l’ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020 supprime, d’une part, le bénéfice de taux réduits pour les titulaires de faibles revenus et, d’autre part, les modalités d’écrêtement du prélèvement de CSG, qui ne pouvait avoir pour effet de réduire la rémunération mensuelle totale perçue par le salarié (salaire et indemnité d’activité partielle additionnés) en deçà du Smic brut. Même si ce n’est pas expressément prévu par l’ordonnance, on peut penser que la suppression de la règle d’écrêtement concerne aussi la CRDS. Il s’agit pour le législateur de simplifier le dispositif. L’écrêtement de la seule CRDS ne correspondrait pas à ce cahier des charges ! Espérons que le décret ou l’administration éclairciront ce point.
En Alsace-Moselle, les indemnités d’activité partielle sont soumises à la cotisation d’assurance maladie du régime local (au taux de 1.50 %). Pour les professions bénéficiant d’une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (journalistes, ouvriers du BTP, etc.) se pose donc la question de savoir si celle-ci peut être appliquée aux indemnités d’activité partielle. À notre connaissance, ni la jurisprudence ni l’administration n’ont pris position sur cette question.
Pour ce qui concerne l’Acoss, s’agissant du maintien du salaire en cas de maladie, elle estime que, si le salarié est absent tout le mois, la DFS ne peut pas être appliquée, car le salarié n’engage aucuns frais (voir www.urssaf.fr). Les Urssaf pourraient donc considérer qu’en l’absence de frais les indemnités d’activité partielle ne bénéficient pas de la déduction. Les employeurs qui souhaiteraient l’appliquer ont donc intérêt à faire un rescrit auprès de leur Urssaf afin d’éviter tout redressement ultérieur.
En cas d’activité partielle, comment sont comptabilisées les heures chômées pour le calcul de la prime d’intéressement ou de participation ?
21. Les primes d’intéressement et de participation peuvent être calculées en partie ou en totalité en fonction du salaire ou en fonction du temps de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice. Dans ce cas, comment sont prises en compte les heures chômées en raison de l’activité partielle ? L’article R 5122-11 du Code du travail prévoit qu’en cas de répartition de l’intéressement ou de la participation proportionnelle à la durée de présence ces heures sont intégralement prises en compte, c’est-à-dire assimilées à du travail effectif.
En cas de répartition proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte pour ces heures chômées sont ceux qu’aurait perçus le salarié s’il n’avait pas été placé en activité partielle.
L’activité partielle n’a donc pas d’incidence sur le calcul de ces primes.
À noter : L’ordonnance 2020-322 publiée le 26 mars au JO reporte à titre exceptionnel pour 2020 la date limite de versement de la participation et de l’intéressement (en principe fixée au dernier jour du 5e mois après la clôture de l’exercice) au 31 décembre 2020.
Autres questions
Le coronavirus permet-il de rompre une promesse de contrat de travail ?
22. Si le candidat à l’embauche et l’employeur sont simplement entrés en pourparlers, sans formaliser par écrit les conditions d’une embauche, ils ne sont pas liés : ces pourparlers peuvent être rompus à tout moment.
Si l’employeur a adressé au candidat une proposition ferme écrite, par lettre ou e-mail, précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonctions, il ne peut en principe se rétracter que si le candidat n’a pas encore reçu son offre, ou s’il ne l’a pas acceptée dans le délai qui lui était imparti pour le faire (par exemple : «?sans réponse de votre part dans un délai de 15 jours…?») ou dans un délai considéré comme raisonnable (Cass. soc. 21-9-2017 nos 16-20.103 FS-PBRI et 16-20.104 FS-PBRI : [FRS 20/17 inf. 1 p. 2]).
Si en revanche le candidat a déjà accepté la proposition, les parties sont en principe liées par un contrat de travail. La rupture unilatérale par l’employeur s’analyse alors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le contrat promis était à durée indéterminée (Cass. soc. 15-12-2010 n° 08-42.951 F-PB : RJS 3/11 n° 205), et en une rupture abusive si le contrat était à durée déterminée (CA Aix-en-Provence 20-1-2012 n° 10-22931). Elle ouvre droit à des dommages et intérêts pour le salarié.
23. L’employeur pourrait-il faire valoir devant le juge, en cas de litige, que la rupture était justifiée par les conséquences de l’épidémie de coronavirus?? Des circonstances particulières légitimant la rupture d’une promesse de contrat ont parfois été admises par les juges, mais c’est assez rare (voir, par exemple, Cass. soc. 15-1-1981 n° 79-41.291 P). L’état de crise sanitaire décrété par le Gouvernement et les mesures qui l’accompagnent constituant des événements particulièrement soudains, imprévisibles et complexes à gérer pour l’entreprise pourrait-il justifier une certaine clémence des juges?? L’étude du contentieux le montrera.
Il n’en reste pas moins que le candidat évincé pourrait se prévaloir de préjudices spécifiques, en particulier s’il a démissionné pour accepter le poste et s’est retrouvé sans emploi ni prise en charge par l’assurance chômage après la rupture.
À notre avis : L’employeur n’est pas dans l’obligation de rompre sa promesse de contrat : il a la possibilité de négocier avec le salarié un report de la date de début d’exécution du travail, afin de laisser passer la crise. Il peut également, s’il met en place l’activité partielle dans son entreprise, en faire bénéficier l’intéressé dès son embauche, avec les autres salariés : l’activité partielle n’est pas soumise à une condition d’ancienneté du salarié.
L’employeur doit-il verser l’indemnité d’occupation à des fins professionnelles du domicile privé lorsque le salarié est en télétravail du fait de la crise sanitaire ?
24. Si, selon l’article L 1222-11 du Code du travail, en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés, rien n’est prévu par les textes s’agissant de l’indemnité d’occupation à des fins professionnelles du domicile privé du salarié.
Par ailleurs, la Cour de cassation considère que demander à un salarié de travailler depuis son domicile constitue une immixtion dans sa vie privée et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail. Elle juge donc que, si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile (Cass. soc. 7-4-2010 n° 08-44.865 FS-PB : [RJS 6/10 n° 570]). De même, le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition (Cass. Soc. 8-11-2017 n° 16-18.499 FS-PB : [RJS 1/18 n° 29]).
25. Toutefois, la situation actuelle paraît différente puisque les salariés sont tenus d’accepter de travailler à leur domicile et que le télétravail ne relève pas d’une demande de l’employeur. En effet, à la suite du passage au stade 3 de la pandémie, le télétravail est devenu impératif pour tous les postes le permettant et cette directive gouvernementale s’impose tant aux salariés qu’aux employeurs (Covid-19 – Questions-réponses pour les entreprises et les salariés).
Dès lors, au vu de cette différence de situation, il n’est pas certain que la Cour de cassation, si elle était amenée à se prononcer sur la question du versement de l’indemnité d’occupation à un salarié en télétravail du fait de la crise sanitaire, adopte la même position que celle qu’elle retient lorsque la demande de télétravail relève de l’employeur et qu’elle juge que ce dernier doit indemniser le salarié de la sujétion particulière constituée par l’utilisation d’une partie de son domicile personnel pour les besoins de son activité professionnelle.
Une décharge de responsabilité en cas de contamination signée par le salarié à la demande de l’employeur a-t-elle une valeur ?
26. Certaines entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment, ont fait signer à leurs salariés une décharge aux termes de laquelle ceux-ci indiquent avoir été informés des risques et consignes à respecter pour protéger leur santé et s’engagent à n’exercer aucun recours contre l’entreprise en cas de contamination par le coronavirus.
Si l’intérêt d’une telle décharge peut être de rappeler au salarié amené à se rendre sur son lieu de travail les consignes de sécurité à respecter, celui-ci étant en effet tenu de veiller à sa propre santé et sécurité, ainsi qu’à celles de ses collègues, elle est, à notre sens, dénuée de portée en cas de survenance de la maladie.
En effet, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en justifiant avoir pris toutes les mesures nécessaires, prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés (Cass. soc. 25-11-2015 n° 14-24.444 FP-PBRI : [RJS 2/16 n° 123]). On peut penser qu’en cas de contentieux l’employeur aura le plus grand mal à démontrer qu’il a pris toutes les mesures de prévention et les précautions nécessaires, compte tenu du danger lié au coronavirus et des incertitudes concernant les modes de transmission de celui-ci. Sa responsabilité contractuelle pourrait ainsi être engagée, sur la base d’un manquement à son obligation de sécurité, peu important l’existence d’une décharge signée par le salarié.
Dans certains cas, les juges pourraient néanmoins écarter la responsabilité de l’employeur dans la mesure où il n’a pas nécessairement connaissance de tous les moyens de protection à mettre en œuvre, au regard de ces incertitudes concernant les modes de transmission.
L’employeur doit-il décaler un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement si un salarié refuse de s’y rendre dans le cadre du confinement ?
27. Le salarié dont le licenciement est envisagé n’est pas tenu de se rendre à l’entretien préalable auquel il est convoqué. Celui-ci étant prévu dans son seul intérêt, son absence ne peut pas lui être reprochée par l’employeur (Cass. soc. 15-5-1991 n° 89-44.670 P : [RJS 6/91 n° 740]) et ne constitue pas une cause de licenciement (Cass. soc. 28-11-2001 n° 99-46.031 F-D : [RJS 2/02 n° 157]). S’il ne se présente pas, l’employeur peut poursuivre la procédure et lui notifier son licenciement.
Si le salarié demande le report de l’entretien, l’employeur n’est pas tenu d’accéder à sa requête, sauf stipulation conventionnelle contraire (Cass. soc. 6-4-2016 n° 14-28.815 F-D : [RJS 6/16 n° 416]).
De son côté, l’employeur, informé de l’impossibilité dans laquelle se trouve le salarié de se présenter à l’entretien, peut en reporter la date. Si le licenciement envisagé est d’ordre disciplinaire, c’est à compter de la nouvelle date de l’entretien que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction (Cass. soc. 7-6-2006 n° 04-43.819 FS-PB : [RJS 8-9/06 n° 945] ; Cass. soc. 12-6-2007 n° 05-43.957 F-D : [RJS 11/07 n° 1181]).
Compte tenu des termes généraux du principe posé par ka Cour de cassation, on peut penser que cette solution s’applique, quelle que ce soit la cause de l’indisponibilité du salarié et donc en cas de confinement de celui-ci.
À noter : On pourrait toutefois se poser la question de la validité d’un entretien préalable organisé par visioconférence. Si la cour d’appel de Rennes l’a admis dès lors que les parties en sont d’accord (CA Rennes 11-5-2016 n° 14/08483), la Cour de cassation n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur la question. Elle a en revanche jugé qu’une conversation téléphonique ne saurait remplacer l’entretien préalable (Cass. soc. 14-11-1991 n° 90-44.195 D : [RJS 2/92 n° 135]).
© Editions Francis Lefebvre – 2020
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