Depuis quelques années, les plates-formes en ligne destinées à mettre en relation des professionnels et des clients en vue de l’achat d’un bien ou de la fourniture d’un service se multiplient (Uber, Deliveroo, Foodora…). Et les sociétés qui les exploitent incluent parfois dans la boucle des travailleurs indépendants, en particulier pour livrer les biens aux clients, avec qui elles signent des contrats de prestation de services.
Est donc apparue une nouvelle forme de travail qui n’a pas été sans donner lieu à de vives critiques. Et s’il y a peu, la loi a accordé certaines garanties à ces travailleurs, elle est toutefois restée muette quant à leur statut social. Il était donc évident que la question serait tôt ou tard soumise à la justice. C’est désormais chose faite !
Dans cette affaire, la société Take Eat Easy utilisait une plate-forme numérique et une application pour mettre en relation des restaurateurs, des clients passant commande de repas et des livreurs à vélo. Ces derniers exerçaient sous le statut de travailleur indépendant et avaient signé un contrat de prestation de services avec la société. Toutefois, l’un d’entre eux avait saisi la justice en vue de la requalification de son contrat de prestation en contrat de travail.
La Cour d’appel de Paris n’avait pas fait droit à cette demande principalement parce que le coursier restait libre de déterminer chaque semaine les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler. Mais de leur côté, les juges de la Cour de cassation ont rappelé que la qualification de la relation entre le coursier et la société devait être appréciée en fonction des conditions de fait dans lesquelles l’activité était exercée. Et ce afin de déterminer s’il existait un lien de subordination caractérisant une situation de salariat.
Les juges ont ainsi relevé que la société disposait d’un système de géolocalisation lui permettant de connaître en temps réel la position du coursier et le nombre total de kilomètres parcourus. En outre, la société exerçait un pouvoir de sanction à l’égard du coursier au moyen de bonus-malus. Par exemple, des pénalités pouvaient lui être infligées lorsqu’il ne répondait pas au téléphone, lorsqu’il refusait d’effectuer une livraison, en cas d’incapacité à réparer une crevaison ou de retard dans la livraison.
Les juges en ont donc déduit que la société exerçait un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation de ses coursiers, ce qui caractérisait un lien de subordination. L’affaire a donc été renvoyée devant la Cour d’appel de Paris qui, semble t-il, disposera de peu de marge de manœuvre pour statuer…